)
l’esprit, acte pur
8
tivité : vie de notre vie, tout au fond de notre âme, là où
nous ne distinguons rien qui lui fasse opposition. Il faut
noter, en effet, que nous pouvons nous trouver vis-àvis
de nous-même dans la même position spirituelle où nous
nous trouvons vis-à-vis d’une autre âme, alors que nous
devons la comprendre et ne la comprenons pas encore.
Nous pouvons ainsi trouver entre notre âme elle-même
et ce qu'elle fut ou ce que nous pouvons penser d’elle
la même disproportion et la même incompatibilité que
nous trouvons entre notre âme et les autres, qui nous
les fait trouver muettes et impénétrables comme la
pierre et les forces aveugles de la nature. Dans un cas
pareil, nous nous trouvons en effet vis-à-vis d’un état de
notre âme, mais non devant l’acte, comme nous le ver¬
rons par la suite.
NOTE INSÉRÉE DANS LA QUATRIÈME ÉDITION
Comprendre pour aimer ? ou aimer pour comprendre ?
Tel était l’argument du Fragment d’une gnoséologie de
l'amour que je publiai en 1918 et qu’il me semble oppor¬
tun de reproduire ici.
La réalité peut être vue à travers deux lunettes ; à
travers l’une on voit du réel ce qui est, avec l’autre ce
que ce même réel devrait être. Et l’on peut dire que tous
les problèmes insolubles qui ont fait le tourment de la
pensée humaine — les soit-disant énigmes ou mystères
de la vie — surgissent tous de la confusion de ces deux
points de vue.
Et pourtant tous nos jugements moraux et même les
distinctions éthiques les plus élémentaires viennent de
cette distinction fondamentale. Car il ne nous serait pas
permis de discerner le bien du mal, fût-ce dans leur forme la
plus rudimentaire, si nous ne commencions pas par consi¬
dérer ce qui doit être, et ne peut effectivement être qu’en
vertu de notre vouloir, comme une chose complètement
différente de ce qui est ; ceci peut sans doute nous sembler
bon dans ses détails et en soi digne d’être, au point de vue