LA RÉALITÉ, AUTOCONCEPT
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son non-être. De même que la douleur, l’erreur n’est pas
une réalité s’opposant à celle de l’esprit {conceptus sui),
mais elle est la même réalité en deçà de sa réalisation,
dans un de ses moments idéaux.
9. L’erreur comme jante. — Ce qu’est l’erreur théorique,
le mal moral ou erreur pratique l’est aussi, car l’intelligence
est volonté, et la volonté peut même être appelée la forme
concrète de l’intelligence. Aussi le véritable conceptus sui
est-il cette autoconscience du monde qui ne peut être consi¬
dérée comme une philosophie abstraite (opposée à la vie),
mais est au contraire comme la plus haute forme de vie,
comme la cime la plus élevée que le monde en tant
qu'esprit puisse atteindre. Forme qui n'est cependant
pas si haute qu’elle doive cesser d’être en même temps
la forme fondamentale qui se déploie de la base au sommet
de la pyramide de la vie. Concevez le monde comme diffé¬
rent de vous : la nécessité de votre concept sera une néces¬
sité purement logique parce qu’elle sera abstraite. Mais
concevez-le comme vous devez le concevoir et comme au
fond vous le concevez toujours, c’est-à-dire tout simple¬
ment comme votre réalité en possession d’elle-même :
il deviendra impossible de vous poser hors de la nécessité
de votre concept comme si vous étiez étranger à la loi ; la
rationalité de votre concept sera votre loi et votre devoir.
Qu’est-ce en effet que le devoir à nos yeux, sinon l’unité
de la loi de nos actions et de la loi de l’univers ? Et l’im¬
moralité de l’égoïste, qui ne voit que son particulier, ne
consiste-t-elle pas à s’isoler du monde et des lois univer¬
selles ? L’histoire de la morale n’est que l’histoire d’une
compréhension toujours plus spiritualisée du monde, et
chaque pas fait en reparcourant idéalement la formation
graduelle de la conscience morale n’est jamais qu’un appro¬
fondissement du sens spirituel de la vie, une plus complète
réalisation de la réalité comme autoconcept.
Et maintenant, comment sera-t-il possible de se renfer¬
mer dans une vision de l’esprit infini et tout de bonté (para¬
dis terrestre ou céleste), si l’esprit, qui est la bonne volonté
dans la plénitude de la réalité spirituelle, ne peut se con¬