l’esprit, acte pur
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d’actualité spirituelle. Or cette activité ne sera jamais
pour nous que ce que nous en aurons réalisé comme vie
de notre Moi.
6. Le fait historique abstrait et le processus réel. — Il faut
donc sortir l’Arioste de cette réalité pour avoir devant
nous un Arioste conditionné, et après l’en avoir sorti, le
réintroduire ou plutôt chercher à le réintroduire mécani¬
quement dans le processus auquel il appartient. La réalité
est dans le processus. Mais le processus dans son actualité,
où gît la réalité et d’où vient la valeur du poème, se pose¬
ra-t-il à chaque phase comme conditionné par ses phases
précédentes ? Evidemment non, parce que ce conditionne¬
ment suppose le fractionnement du processus qui est réel
dans son unité qui se pose bien comme une multiplicité,
mais comme multiplicité se résolvant en unité dans l’acte
même par lequel elle se pose, et ne pouvant par conséquent
être considérée multiplicité pure si ce n’est en vertu d’une
abstraction. Ainsi puis-je toujours distinguer empirique¬
ment mon présent de mon passé, et voir dans celui-ci la
condition de celui-là : mais, ce faisant, je sors de mon
véritable Moi en qui sont comprésents le passé et le présent
dans la dualité qui rend intelligible le rapport de condition
et conditionné, tandis que le véritable Moi, immanent dans
ces deux moi temporellement distincts, est la racine de
cette conditionnalité comme il l’est de toutes les autres.
7. Les deux concepts de l’histoire. — C’est ainsi qu'il y a
deux façons de concevoir l’histoire. La première est celle
des relativistes, des empiristes de l’histoire et des sceptiques,
qui ne voient rien en dehors du fait historique dans sa
multiplicité ; celle qui nous donne une histoire que
l’esprit ne peut fixer sans se dégrader et se naturaliser.
L’autre est la nôtre, rendue possible par le concept de
la spatialisation de l’Unité que j’ai exposé et qui pose
le fait comme un acte et, se posant dans le temps, ne
laisse effectivement jamais rien derrière soi. L’histoire
des empiristes est l’histoire hypostasiée et privée de sa
dialectique, car la dialecticité consiste précisément dans