CHAPITRE XIII
L’Antinomie historique et l’Histoire éternelle
I. Contenu de l'antinomie historique. — Nous pouvons
appeler antinomie historique celle qui dérive du concept
de l’esprit acte pur, considéré dans ses relations essentielles
avec le concept de l’histoire, et nous pouvons formuler
la thèse suivante : « L'esprit est histoire parce qu’il est dé¬
veloppement dialectique », et son antithèse : « L'esprit
n’est pas histoire parce qu’il est acte étemel ». Telle est
l’antinomie à laquelle on se heurte à chaque instant dans
l'étude et dans la compréhension de l’homme, qui nous
présente toujours deux faces, chacune desquelles semble
la négation de l’autre. Car l’homme est incompréhensible
hors de l’histoire dans laquelle il réalise son essence ;
mais, d’autre part, il ne nous montre dans l’histoire rien de
soi qui ait cette valeur spirituelle à travers laquelle son
essence est cependant conçue comme se réalisant dans
l'histoire.
En vérité, pourquoi l'homme est-il l’histoire ? Parce que
son essence, qui l’oppose à la nécessité de la nature, est
la liberté : la nature est tandis que l’esprit devient. Il de¬
vient en tant que libre, ce qui revient à dire qu’il réalise
sa fin ; sa vie est une valeur, ce qu’elle doit être : elle
consiste à connaître la vérité, à créer des images de beauté,
à accomplir le bien, à adorer Dieu, etc... L’homme, pour
être un homme à nos yeux, doit connaître la vérité et être
par conséquént tel que nous puissions lui communiquer la
nôtre (que nous ne communiquons pas à un baudet) ; s’il se
trompe, nous le croyons capable de se corriger, autant
qu’il sait le faire, c'est-à-dire proportionnellement à sa