PRÉVISION ET LIBERTÉ
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un principe d’unification, lequel à son tour accuse l'action
du sujet. Aussi ne réalise-t-il pas lui non plus son concept
d’une pure conditionnalité de fait. Et il est impossible qu'il
y réussisse, car, tout comme son adversaire, il pose con¬
dition et conditionné vis-à-vis du penser, là où est incon¬
cevable l’unité de la multiplicité qui lui est nécessaire
pour la succession chronologique comme elle l’est pour
l'efficience dans la métaphysique.
18. Dialectique de la condition et du conditionné. —- La
synthèse à priori de la condition et du conditionné est
purement dialectique. Or il est désormais évident pour
nous que toute dialectique est inconcevable hors du penser.
Mais si nous tournons nos regards vers la dialectique du
penser, nous verrons que la conception de la causalité
métaphysique, comme celle de toute autre forme du con¬
cept de conditionnalité, échappe aux difficultés que nous
venons d’exposer. Car la difficulté fondamentale de la
métaphysique apparaît dès qu’on cherche à saisir la façon
dont l’un génère l'autre, et l’identique le différent. Or il
suffit que la métaphysique en parlant de l’Un entende le Moi,
pour que ce dernier s’offre à elle précisément, comme le
principe autogène du non-Moi, c’est-à-dire de ce qui
diffère du Moi. Ainsi lorsque l’empirisme prendra conscience
du rapport immanent du non-Moi, précisément en tant
que non-Moi, avec ce qui en est la condition, avec le Moi
en somme, il continuera sans doute à voir le non-Moi et
le multiple, mais avec et dans l'Unité.
19. Nécessité et liberté. — Tout comme la réalité méta¬
physique et la réalité empirique se posent dans l’incon¬
science de la pensée abstraite comme un conditionné, qui est
nécessaire sans être libre, ainsi la réalité du penser concret
se pose comme condition de l’inconditionné, qui devient
par conséquent un conditionné et se pose dans l’absolu
de cette position comme inconditionné qui tout en étant
nécessaire est libre. Nous pouvons dire que le premier
inconditionné (faux ou abstrait), est Y être, et que le second
(concrètement réel), est Y esprit. L’être (Dieu, nature, idée,