PRÉVISION ET LIBERTÉ
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bleau des propriétés par lesquelles ce mouvement est con¬
sidéré comme déjà déterminé. C'est qu’alors le mouvement
ne serait plus déterminé comme il l’est selon l’hypothèse
propre à la position empirique où il est appris comme un
fait.
6. Le fait et l’acte. — L’homme n’est jugé qu’après sa
mort, dit un proverbe, parce que l’homme n'est pas fait
mais se fait ce qu’il est. Au contraire, il n’est pas besoin
d’attendre sa mort pour dire de qui il est né, car naître de
parents déterminés constitue un fait. Or le mouvement
d’une comète est un fait tout comme la naissance de
l’homme ; pas un acte comme l’est sa vie morale ou intel¬
lectuelle. Et lorsque nous considérons la trajectoire de la
vie morale d’un homme comme une ligne déterminée à
priori, comme l’est celle d’un corps céleste, nous lui nions
la liberté, la qualité de créateur qu’il possède, puisqu’il est
un esprit. Nous l’abaissons, ce faisant, jusqu’au niveau
de toutes les choses naturelles qui sont nécessairement
ce qu'elles sont ; et nous considérons son destin comme
déjà formé dans son caractère, qui ne produira jamais
rien d’imprévoyable, parce que tout ce qu’il produira est
déjà fatalement déterminé par une loi.
7. Le fait négation de la liberté. — La loi de l’empiriste
est donc le fait lui-même en tant qu’inaltérable (bien que
ce fait, pris en lui-même, consiste en un changement) ;
et le fait, en tant que fait, est ; inaltérable et nécessaire,
il exclue de lui-même toute liberté par rapport à l’esprit
qui l’affirme en le présupposant comme son propre anté¬
cédent. Pour détruire et outrepasser cet attribut du
fait, il faudrait donc renoncer à faire appel à la nouveauté
des faits, comme le fait le contingentisme, mais critiquer
la catégorie même du fait en en montrant l’abstraction
et en faisant observer qu’elle rentre dans une autre caté¬
gorie, bien plus fondamentale, celle de l’acte spirituel
qui pose le fait.
8. Antithèse entre les concepts de futur prévoyable et de
liberté. — Ce passé, pour ainsi dire, propre du futur en sa