CAUSALITÉ, MÉCANISME ET CONTINGENCE 153
l’atome et du mouvement, le mécanisme consiste dans la
conception de l’être absolument multiple, c'est-à-dire com¬
posé d'unités élémentaires qui, de quelque façon qu'on les
additionne, donnent toujours le même total, n'admettant la
possibilité d’aucune nouveauté qui soit autre chose qu'une
vaine apparence, ni d’aucune création réelle. En suivant le
mécanisme dans ses détails, on verra clairement que, pour
cette école, un rapport de conditionnant à conditionné ne
peut être conçu que sous la forme de causalité empirique.
Si une boule, choquée par une autre boule, se meut, l’em¬
pirisme pur et simple devrait se borner à constater que
cette boule, a bougé après avoir été heurtée, sans voir
d'autre rapport entre le coup antécédent et le mouvement
qui l’a suivi. Telle est en effet la thèse de l’empirisme,
quand il insiste sur le caractère propre de la causalité
comme il veut qu’elle soit comprise.
Mais lorsque l'empirisme passe du particulier à l’univer¬
sel, il aboutit au mécanisme ; car alors il fait lui aussi une
métaphysique de la réalité, pour tâcher de s'expliquer ce
même particulier selon un système d'intelligibilité qui lui
est propre et n’admettant pas la possibilité d’un mouvement
n’existant pas déjà, ne peut pas permettre de rapporter,
en l’observant, le mouvement de la boule au coup qu’elle a
reçu sans identifier ce mouvement avec celui de la boule qui
l’a choquée et qui ne peut communiquer que la portion de
mouvement qu’elle perd. La dualité des faits de l’expé¬
rience vient ainsi à se perdre dans l’unité d’un fait unique,
et le nouveau n’est rien qui ne fût déjà. Or, si la causa¬
lité empirique signifie concomitance de phénomènes et,
en général, multiplicité sans unité, il résulte de ce que
nous avons dit qu’en empirisant la causalité on tombe
dans le mécanisme, c’est-à-dire dans la forme la plus
brutale de monisme métaphysique qui puisse être imaginée.
14. Origine du contingentisme. — Une école philoso¬
phique s’est élevée en France, durant la seconde moitié
du siècle dernier, contre le mécanisme qui, après Descartes,
Galilée et Bacon, avait nécessairement prévalu dans la
science moderne, soit qu’elle fût ouvertement empirique,