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l’esprit, acte pur
îion qui le relie dans un autre monde à Dieu et à ses
morts qui n’appartiennent plus au monde de l’expérience,
se rattache, après l’avoir quitté, à ceux qui y sont restés,
à ses héritiers auxquels il lègue le fruit de son travail, à la
postérité à qui il confie les créations de son esprit, sa per¬
sonnalité s’éternisant entière en tout ce qui a pour lui une
valeur comme réalité de sa propre vie.
10. Difficultés du concept des valeurs objectives. — Quelles
que soient d’ailleurs les particularités qui la déterminent, la
foi en l'immortalité est immanente. Car, au fond, l’immorta¬
lité constitue pour ainsi dire la spiritualité de l’esprit : cette
valeur absolue qui est la caractéristique essentielle de toute
forme et de tout instant d’activité spirituelle. Les difficul¬
tés angoissantes de l’immortalité dérivent toutes de la pro¬
jection que l’esprit fait de sa valeur dans l’objet, qui est
le règne de la multiplicité (de l’espace et du temps),
difficultés qui se sont en conséquence répercutées sur celles
qui ont de tout temps troublé le concept de la valeur abso¬
lue, générant ainsi le scepticisme propre aux conceptions
naturalistes et rationalistes de la connaissance, du travail
et de tout ce qui doit être conçu comme un acte spirituel.
11. L’immortalité en tant qu’attribut de l’esprit. — Mais
toutes ces difficultés se dissipent dès que le problème est
posé dans ses vrais termes. L’immortalité appartient à
l’esprit, et l’esprit n’est pas la nature ; c’est préci¬
sément et exclusivement pour cela qu’il ne se renferme
dans les limites d’aucune chose naturelle, ni de la
nature en général qui n’est jamais entière. La nature
en effet n’est pas plus infinie relativement au temps
qu’à l’espace. Et elle ne l’est pas pour les mêmes raisons
qui nous ont montré qu’elle est spatialement indéfinie ; et
qui nous ont servi à résoudre la première des antinomies kan¬
tiennes (i). La nature n’est pas infinie temporellement mais
finie : toutefois ses termes sont déplaçables, et cette mobi-
(i) Antinomie entre la thèse : « Le monde a dans le temps un commen¬
cement et est, relativement à l’espace, renfermé entre certaines limites », et
l’antithèse : « Le monde n’a ni commencement ni limites dans l’espace,
mais est infini relativement au temps comme il l’est relativement à l’espace.