l'immortalité
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Or ce caractère d’infini qu’est-il, sinon cette négation
immanente de toute limite spatiale; négation qui, tandis
qu'elle assujettit à la limite toute réalité spatiale, fait
dominer et dépasser la limite elle-même par l’activité
spirituelle? 11 n’est pas d’espace sans limite; il n’est pas de
limite qui ne soit niée ; et c’est l'esprit qui nie toujours la
limite qu’il ne peut reconnaître, et la pose néanmoins
pour la supprimer, célébrant ainsi son infinité absolue. Mais
cette infinité de l’esprit n’implique en aucune sorte l'abs¬
tention de toute limitation (la limitation, qui est sa propre
multiplication dans l’étendue, constitue sa vie) ; elle affirme
simplement que toute limite doit être dépassée, pour
lointaine qu’elle soit. L’infini est en somme l’exclusion
de toute limite : exclusion qui coïncide avec l’immanente
assignation de limites à l’objet dans son immédaite po¬
sitivité. Et l’ivresse de cette suppression violente de toute
limite non seulement pour l’infini, mais pour l’indéfini
même, au lieu d’exalter l’esprit, l’amène à l’anéantissement.
Un poème idyllique que nous avons déjà cité, L'Infini
de notre grand Léopardi montre, avec une rare perspica¬
cité, le cœur près de s’épouvanter dans les espaces illimi¬
tés et les silences surhumains où la pensée se noie dans
l’immensité, parce que l’unique se détourne du multiple
— toujours limité et, par conséquent, jamais immense
— se dérobant ainsi à la condition essentielle de son être
propre, qui est l’actuation de l’unité dans la multiplicité.
4. Infinité de l’esprit par rapport au temps. — Infini par
rapport à l’espace, l’esprit est aussi infini par rapport au
temps. Comment pourrait-il ne pas l'être, du moment que
le temps est une spécification de la spatialité même? Mais
de même que l’infinité spatiale est l’infinité de ce qui s’op¬
pose à l’espace, de même l’infinité temporelle est l’infinité
de ce qui, en s’opposant à la réalité temporelle, se dérobe
au temps. Et le manque d’une doctrine exacte sur le temps
a rendu jusqu'ici impossible la conception d’une doctrine sur
le caractère infini de l’esprit relativement au temps.
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5. L’immanence de la foi en l’immortalité. — C’est un fait
bien connu que le problème de l’immortalité de l’âme n’a