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PRÉFACE
elle est dépourvue de vie et d’articulation, simplement
parce que la dialectique vivante est restée une formule
et qu'elle a été posée comme une réalité purement objec¬
tive. Quelque grandiose et profond qu’il soit, ce système
ne vivifie donc pas la spéculation et ne déblaie point les
chemins, mais il rend la première plus lourde et les seconds
plus pénibles, par suite de la différence entre la façon dont
le réel y est conçu et celle dont il y est posé.
Hegel, en effet, analyse la pensée et y trouve l’être, le
non-être, le devenir, etc. Mais par cela même il présuppose
la pensée à l’analyse, puisqu’il la prend comme objet de
l’analyse. Cette même pensée, unité de subjectif et d’objectif,
devient ainsi complètement objective, car pour qu’elle
puisse subir l’analyse, il faut évidemment que son pro¬
cessus soit épuisé, qu’elle ait cessé de devenir et par suite
d’appartenir à la réalité spirituelle. C’est ainsi qu’Hegel,
qui parle constamment du réel propre à l’esprit, le traite
effectivement comme le réel propre à la nature. Or l’être,
l’absolu indéterminé, qu'il tente en vain de définir, n'est
pas l’être qui se médiatise et qui devient dans le processus
mental, car celui-ci étant exclusivement l'être du penser
qui définit, le premier n’est qu’un immédiat et ne peut
appartenir qu'à la nature (i).
Toute l’œuvre de Hegel souffre de la confusion qui dérive
de cette différence entre la conception et la position,
ou actuation, de ses idées : confusion qui a donné naissance
aux difficultés dont le système se hérisse. Pour les écarter
M. Gentile s’est appliqué à poser la réalité selon un pro¬
cessus qui fût vraiement la dialectique vivante, entrevue
mais non réalisée avant lui. Parvenu à ses fins, il a su
donner à la spéculation philosophique une base infiniment
plus stable et positive, dotant ainsi l'idéalisme de qualités
objectives qui, loin d’en détruire le subjectivisme, l’étendent,
l’enrichissent et l’élèvent à une plus haute puissance.
C’est pourquoi nous avons traduit ses principaux ouvrages.
Mais la façon dont Gentile a éliminé les apories de la
doctrine hégélienne est si simple que l’on ne se rend pas
(i) Voir Spaventa (Scritti filosofici, Naples, Morano, 1900), passim et
Gentile, (La riforma della Dialettica Hegeliana, Messina, Principato 1913).