PRÉFACE DE L’ÉDITION FRANÇAISE
M. Gentile, critique si rigoureux et si efficace de Hegel
que Ton serait fondé à le regarder aujourd'hui comme
antihégélien, est incontestablement l’un des chefs de l'idéa¬
lisme moderne. Élève de Bertrando Spaventa, il commença
naturellement à suivre dans sa jeunesse la tendance hé¬
gélienne de son maître, et tout porte à croire qu’il l'aurait
suivie même en provenant d’autres écoles ; seul en effet,
parmi les penseurs du siècle dernier, le maître allemand pou¬
vait, sinon satisfaire entièrement, du moins captiver et
retenir alors l’esprit du jeune dialecticien. Cependant une
profonde affinité de tempérament le portait vers les idées
de Kant dont il acquit une connaissance parfaite par une
étude approfondie et des travaux de traduction.
Toutefois, en orientant son disciple vers la philosophie
de Hegel, Spaventa n'avait pas manqué de lui en signaler
les écueils, et M. Gentile sut prendre dès l’abord une atti¬
tude critique vis-à-vis du penseur qu’il admirait, sans pour¬
tant connaître le malaise intellectuel qui éloigna de l'idéa¬
lisme tant d’esprits de premier ordre. Il comprit l’importance
de la conception hégélienne du réel, basée sur une dialec¬
tique qui, en prétendant dégager la philosophie de toutes les
mortes abstractions des écoles anciennes, se donnait pour
tâche de substituer à la réalité de l’être une réalité in
fieri ; et, guidé en cela encore par Spaventa, il comprit éga¬
lement qu’Hegel avait failli à cette tâche. Mais seul
Giovanne Gentile sut découvrir la cause de cet échec.
La réalité in jieri que nous offrent la logique et la phé¬
noménologie hégéliennes n’a satisfait complètement per¬
sonne. Tout en gardant les défauts de la réalité statique,